Novembre 2018

Instagram d’alcool !

Ils et elles sont jeunes et s’adressent sur ce réseau social à leurs pairs pour promouvoir des boissons alcoolisées !

L’influenceuse @mayadorable (197.000 abonnés), 17 ans, entourée de ses amis youtubeurs, pose une bouteille de Cubanisto à la main (il s’agit ici d’un partenariat rémunéré avec la marque). 17ans était également l’âge de Raphael @raphlefriant (111.000 abonnés) pour sa photo, la même bouteille en main.

Camille aka @noholita (681.000 abonnés), 27 ans, est très suggestive au bord d’une piscine lors du festival Calvi on the rocks, un verre à l’effigie de Havana Club en main. Ici, le partenariat n’est pas clairement défini mais la marque est mise en avant dans la description.

Ou encore Laure, @style_tonic (20 ans), 468.000 abonnés, « se contentant » d’une photo générique mettant en avant une bouteille et un verre de Malibu. Notons que dans ce cas, certaines mentions apparaissent : « Partenariat rémunéré avec malibu_fr », « #partenariat » et « A consommer avec modération ».

Notre avis :

Nous comparons régulièrement les stratégies de communication des cigarettiers et des alcooliers tant elles sont proches en direction de ceux qu’ils considèrent comme LA « cible » prioritaire : les jeunes.

Ce rapprochement est une fois de plus pertinent sur Instagram, réseau le plus plébiscité par les 16-24 ans.

Ainsi, une longue enquête du New-York Times le révélait récemment : de jeunes adultes influenceurs sont, sur ce réseau social, grassement payés par les géants du tabac pour poser « la clope au bec » ou un paquet de cigarettes à la main. La portée totale de ces campagnes aurait atteint 25 milliards de vues dans le monde !

En France, ne s’agit-il pas de la même stratégie pour les géants de… l’alcool ? Les grandes marques s’associent aux (jeunes) influenceurs pour « draguer » des communautés qu’ils ont du mal à atteindre par d’autres moyens de communication. Et cela marche, sur la base de deux principes évidents :

  • L’un quantitatif : ces influenceurs/promoteurs de marques ont des audiences importantes (des centaines de milliers de followers/suiveurs), n’hésitant pas elles-mêmes à relayer les informations. L’impact initial et leurs ricochets (les partages) atteignent des niveaux de diffusion étonnants !
  • L’autre qualitatif : les influenceurs ont un pouvoir de persuasion fort, ils ont noué une relation particulière, privilégiée avec leurs nombreux followers à qui ils inspirent confiance, plaisent, sont des sortes de modèles, d’amis… Ainsi leurs actions de promotion paraissent plus authentiques et honnêtes car ils ne pourraient pas leur recommander personnellement un mauvais produit (et si c’était le cas, cela finirait par nuire à leur réputation) !

Si économiquement et en communication l’affaire est « tout bénef », de nombreuses questions se posent, en termes de respect de la loi et de santé publique.

  • Qu’en est-il d’influenceurs de 17ans, aux communautés très jeunes, valorisant des marques d’alcool plaisant aux jeunes (Cubanisto, Malibu…) ? Rappelons que la loi interdit, entre autres, toute publicité alcool figurant sur des supports numériques principalement destinés à la jeunesse.
  • Qu’en est-il d’influenceurs qui renvoient des images bien éloignées de ce que la loi Evin autorise (c’est-à-dire des publicités neutres, objectives, relatives à la nature du produit ou à son origine) ? Une jeune femme en maillot de bain, un verre d’alcool en main, semble être bien loin de ces critères…
  • Qu’en est-il des mentions légales devant figurer sur ce type de support ? (Notons que « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé » est étrangement remplacé par « A consommer avec modération »).

Nous l’avions prévu lors de la promulgation de la loi HPST : une déferlante de publicités alcool ultra ciblées allait s’abattre, via internet et les réseaux sociaux, sur les jeunes générations. « Oiseaux de mauvaise augure ! » nous avaient dit certains… Nous avions pourtant raison et ce, pour une seule raison : nous connaissons bien les alcooliers, leurs arrière-pensées, leur redoutable intelligence dans l’usage du marketing numérique et dans l’art de jouer avec la loi.

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