Mars 2019
Les Barathons : des bars fixes aux bars parallèles !
Le « Barathon » est un « circuit » composé de plusieurs bars (parfois au nombre de 30) où le (jeune) consommateur bénéficie, sous condition d’inscription, de réductions et/ou de consommations offertes dans chacun d’entre eux.
Cette opération est relativement répandue dans le contexte étudiant : les BDE ou certaines entreprises spécialisées en organisent, en partenariat avec les bars, et communiquent massivement sur leurs réseaux sociaux.
Notons qu’en cette période de beaux jours qui reviennent, nous assistons dans de très nombreuses villes à une véritable déferlante de ce type d’événement…
Notre avis
Evidemment, ces événements posent de sérieux problèmes de santé publique.
Leur caractère incitatif est on ne peut plus clair : les participants peuvent gagner des cadeaux (et parfois de l’argent) s’ils sont les plus gros consommateurs d’alcool (les consommations d’alcool générant dans cette compétition plus de points que les softs !).
Les réductions y sont parfois relativement importantes (un verre acheté = un verre offert, sans limitation aucune de leur nombre)… Dans certains barathons, chaque bar offre une consommation, portant ainsi leur nombre pour une personne à parfois plus de dix (en fonction du nombre de bars partenaires).
Enfin la communication valorisant la consommation (excessive) est omniprésente, les organisateurs faisant preuve de beaucoup d’imagination pour inciter les jeunes à participer et s’inscrire à ce challenge du meilleur buveur.
D’autres questions se posent en matière de réglementation.
Le barathon consiste parfois en des réductions sur les alcools ou porte sur l’offre « une boisson achetée = une boisson offerte ». Ces deux pratiques rentrent dans le cadre de la réglementation de la « période restreinte » (communément appelée « Happy-Hour »). En effet, le guide réglementaire des débits de boissons précise que « la promotion d’une seule boisson alcoolique pendant une période restreinte suffit à constituer une opération d’Happy-Hour ». Cela interroge sur l’effectivité des réductions appliquées aux boissons non alcoolisées prévues par l’article L. 3323-1 du code de la santé publique ainsi que de la communication équivalente qui doit être appliquée sur les boissons alcoolisées et non alcoolisées, prévue par l’article R3351-2. Il est observé qu’un certain nombre de bars n’indiquent pas si les softs bénéficient de réduction (la mention « un verre acheté = un verre offert » est assez vague, le doute est ici permis).
A la lecture du guide des débits de boissons, le barathon présente des similitudes avec une autre pratique, le Beer-Pong (jeu d’alcool), dans le sens de la difficulté de contrôler l’âge des participants, du coût particulièrement bas proposé pour les boissons alcooliques (et donc du caractère incitatif à la consommation excessive), des quantités importantes d’alcool consommées sur des périodes très courtes, du public jeune qui est ciblé… Pour ces raisons, concernant le beer-pong, le guide précise que « sous réserve de l’interprétation souveraine des juges du fond, les objectifs de prévention des jeunes que poursuit le code de la santé publique ne semblent pas compatibles avec l’organisation de ce type d’évènement dans les débits de boissons ». Il nous semble que le même point de vue pourrait être porté sur le barathon…
D’autres questions évidentes se posent sur le respect de l’interdiction de vente ou d’offre d’alcool aux personnes manifestement alcoolisées (au bout de 10 bars, les participants risquent-ils d’être dans un état manifestement alcoolisé ?), de l’ivresse sur la voie publique (au bout de 10 bars, les participants risquent-ils l’état d’ivresse sur la voie publique ?) et de la responsabilité (pénale) des organisateurs de l’événement ou des commerçants associés à celui-ci.
Les risques encourus sont réels, souvent sous-estimés, d’un point de vue de la santé publique, de la tranquillité publique ou des conséquences juridiques liées aux conséquences de l’hyper-consommation d’alcool.
Ce type d’événement banalise la sur-consommation d’alcool et la valorise du point de vue de l’esprit de compétition qui y règne et du dépassement encouragé de ses propres limites.
Rappelons que la loi (code pénal) interdit l’incitation à la consommation excessive dans le contexte socioéducatif. Il serait temps que les législateurs se penchent sur les contextes festifs, dans la même logique…
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