Février 2020

Vraiment neutre ?

Nous en parlions il y a quelque temps, la bière 8.6 réinvente sa stratégie de communication : celle-ci utilise dorénavant le loup comme emblème, symbole « de force, de liberté et de l’esprit de meute ».

La marque utilise des codes spécifiques renvoyant à certaines communautés. Ainsi sur certaines canettes « collector », le packaging est ainsi remodelé via des collaborations avec des tatoueurs qui y apposent leurs propres créations graphiques.

Dans une autre forme de communication, la marque Kronenbourg, que l’on ne présente plus, utilise davantage le double sens dans ses supports publicitaires, ainsi qu’un marketing contextuel, en référence directe à des événements comme le Black Friday, la coupe du monde féminine de football 2019, la journée des compliments, la Saint-Valentin. Difficile de trouver un évènement sur lequel la marque ne surfe pas. Elle n’oublie pas non plus de donner dans la publicité participative.

Le côté participatif est également utilisé par Get 27, la marque jouant sur le double sens par des publicités dont le ton humoristique invitent subtilement les internautes à partager le contenus auprès de leurs amis.

Notre avis

Ces publicités sont questionnantes quant à leur neutralité.

Prenons la 8.6 qui, tout en essayant de se détacher de cette image parfois associée de bière pour « punkachien », tente de toucher les communautés rock, métal et alternatives. Elle utilise ainsi certains codes spécifiques à celles-ci, que sont le côté rebelle, contestataire (allant jusqu’à railler ceux qui prennent de bonnes résolutions vis-à-vis de l’alcool) et appose à son packaging une identité visuelle directement tirée du tatouage.

La question se pose bien sûr sur le respect de l’article L.3323-4 du CSP  qui précise qu’en matière de publicité, les seules indications permises sont « l’indication du degré volumique d’alcool, l’origine, la dénomination, la composition du produit, le nom et l’adresse du fabricant, les agents et les dépositaires ainsi que le mode d’élaboration, les modalités de vente et le mode de consommation du produit ». Une communication aussi marquée, avec un packaging qui l’est autant, renvoyant à autant de valeurs, respecte-t-elle la loi ? Tout comme l’idée de « meute » que la bière véhicule à travers le loup (apposé sur le packaging) et leur slogan « rejoignez la meute » ?

Côté Kronenbourg, on est plus léger, mais tout aussi questionnant. C’est l’humour qui est utilisé pour promouvoir la marque : « Pack Friday » le jour du « black Friday », « Bon on est en demi quand même », le jour de la qualification des bleues pour la demi-finale de la coupe du monde, le « On semait et on sèmera toujours » pour la Saint-Valentin*, jusqu’à des photos de la bière avec ces mentions « elle est élégante, elle est pétillante » lors de la journée des compliments… Qualifier une bière d’élégante, de brillante » renvoie-t-elle à des caractéristiques objectives ? L’élégance n’est-elle pas une dimension parfaitement subjective, à l’appréciation des consommateurs, bien loin de la neutralité imposée par la loi ?

L’humour, encore et toujours, avec les références de Get 27 pour valoriser le côté frais de son produit décrit comme étant « plus glacial que ta belle-mère ». Bien sûr on évoque ici ses particularités gustatives, mais la connotation est forte… Il en est de même pour le « basique simple » auquel la marque fait référence pour se décrire, évocation bien sûr du tube d’Orelsan « simple basique ». Ces associations d’idées ne personnalisent-elles pas fortement la marque, la liant avec des personnes, des sujets (la belle-mère, un chanteur populaire), bien loin des seules indications que la loi permet (rappelons que « subjectif » renvoie à « sujet ») ?

Ces exemples montrent que les alcooliers débordent de créativité pour donner du relief à leurs marques, les personnaliser, les connoter, jouant aussi sur les difficultés d’interprétation de la loi… Ils sont à l’image de certains des produits qu’ils vendent : très forts…

*On notera les justifications apportées par les alcooliers quant aux choix des termes, en petites lignes (peu visibles) sur les images. Cela sonne comme un signe qu’ils savent qu’ils jouent avec les limites.

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