Octobre 2020

Accroche tabageuse !

Le magazine en ligne Vice, dont la cible est jeune, s’exprime librement sur tous les sujets de société et/ou d’actualité. Ce dernier a récemment publié un article sur sa page Facebook sur le tabac. On y trouve une publication avec un visuel garni de paquets de cigarettes en feu, et cette accroche : « Selon la science, si vous arrêtez de fumer à 40 ans, c’est comme ne jamais avoir fumé ».

Notre avis

Rappelons d’abord les « techniques » utilisées pour donner de la crédibilité à ce type d’article. D’abord l’émetteur, Vice, qui se définit comme « un groupe média international reconnu pour son journalisme d’investigation et ses contenus vidéos, qui vont du grand reportage aux documentaires portant sur l’actualité, l’art, la drogue, la politique, le sport, la mode, le sexe et les animaux trop mignons ». Le ton est léger, on sent une volonté de traiter l’actualité de manière décalée et décontractée, mais Vice se positionne quand même dans le journalisme d’enquête. Ce sérieux, on le retrouve dans l’accroche de l’article – « selon la science » – posée comme une vérité incontournable, indétrônable. L’accroche aurait pu être « selon une étude » (qui aurait été plus juste), mais en moins péremptoire : ce qui va suivre est forcément définitif puisque LA science l’a approuvé. Autre élément fondateur de cette vérité journalistique, les sources de l’étude qui sont citées, avec le très institutionnel « Journal of the American Heart Association ».

Bref, tout semble parfait, et ce d’autant que les commentaires de Vice, eux-mêmes, soulignent la dangerosité du tabac, avec force, puisqu’on y parle de « Cancerette » (pour désigner la cigarette) ou de mort douloureuse… Ils vont dans le sens d’un encouragement à arrêter puisque le faire avant un certain âge permettrait de retrouver toutes ses capacités…

Tout ceci pourrait avoir grand sens, si l’article n’était pas rédigé avec cette accroche et sur ce type de support (numérique).

En effet, constatons que la fréquentation des (jeunes) internautes sur internet et les réseaux sociaux est bien souvent superficielle (car zappant d’un contenu à l’autre) : ils s’attachent aux photos, aux accroches, aux commentaires de leurs pairs (les autres internautes).

Pour cet article, que pensent les (jeunes) internautes s’ils s’en tiennent à cette lecture rapide qui les caractérisent ? En déduiront-ils que, finalement, peu importe de fumer jusqu’à 40 ans puisque les effets vont s’estomper ? Cela pourrait être trompeur… d’abord parce que les conséquences du tabagisme sont variables d’un individu à l’autre et que, sur ce sujet aussi sensible, il faut redoubler de prudence : la susceptibilité individuelle joue une part importante et ce type d’allégation, aussi forte, peut ne pas être individuellement vraie. Ensuite parce que cette étude ne porte que sur les questions cardio-vasculaires (une des dimensions importantes, certes, de la morbidité/mortalité tabagique, mais pas unique) : la survenue des maladies cancéreuses n’est pas ici évoquée dans le cadre d’un tabagisme de longue durée, même avant 40 ans, qui a pu démarrer tôt.

Et cette lecture rapide, superficielle, se traduit dans les commentaires des internautes (renforçant cette première impression de dangerosité relative qu’on peut avoir à la seule lecture de l’accroche) : « on est large », « encore 10 ans pour arrêter », « go fumer 20 paquets par jour et à 40 ans on arrête », « il me reste encore du temps »… sont les points de vue les plus représentatifs (parmi les 600 commentaires et 77 partages), écrits très souvent en taguant des amis, ce qui participe de la viralité de la publication.

Si l’on s’en tient à la lecture du titre et des commentaires (qui sont parfois au second degré, ironiques, mais traduisent globalement ce qu’en retient le lectorat), les (jeunes) internautes pourraient se mettre à distance des dangers du tabagisme, les relativiser, une façon de se rassurer, peut-être même de reporter leurs projets d’arrêt en plein Moi(s) sans tabac.

Vice croyait-il bien faire ? C’était sans compter sur sa volonté de faire le buzz, de noyer des contenus qui peuvent avoir du sens dans des accroches qui, dans les interprétations qu’en feront les jeunes, pourraient passer d’inutilement racoleuses à véritablement dangereuses…

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