Juin 2019

Mineurs et alcool, quand les vendeurs ne jouent pas le jeu

Au travers d’une récente enquête, le magazine 60 millions de consommateurs met en évidence un certain non-respect de l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs au sein de la grande distribution.

L’enquête, réalisée au sein de 111 grandes-surfaces, s’est faite grâce à la participation d’une vingtaine d’adolescents âgés de 14 à 16 ans. Ceux-ci ont tenté d’acheter de l’alcool (bières et vodka) dans plusieurs magasins de France. Cette problématique, observée dans 60% des tests, s’étend à priori sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, le magazine précise qu’« il n’y a aucune enseigne dont on peut dire qu’elle respecte un peu plus cette interdiction de vente ». L’irrespect de l’interdiction est par ailleurs davantage marqué lors de l’achat de bière (69%) par rapport aux achats d’alcool fort de type vodka (47%).

Notre avis

Cette enquête révèle la permissivité de la grande distribution vis-à-vis de l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs. Il est étonnant de constater que 10 ans après l’introduction de cette loi, la règlementation n’est pas respectée dans un nombre important de cas.

Pourtant cet « interdit protecteur » est un moyen de protéger les jeunes vis-à-vis de la dépendance : une consommation d’autant plus précoce augmente ainsi les risques de développer une dépendance à l’âge adulte. C’est dans cet objectif de santé publique que l’Etat français a ainsi mis en place, au travers de la loi Evin et HPST, plusieurs règlementations permettant de protéger les jeunes des problématiques liées à la consommation d’alcool. Les multiples observations montrent toutefois que certaines de ces règlementations ne sont pas respectées par les alcooliers et ceux qui le distribuent. Curieusement, la loi HPST, celle-là même qui a introduit l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs, a également augmenté l’exposition des jeunes au marketing en autorisant celui-ci (sous certaines conditions) sur le net. Cette exposition s’en voit par ailleurs renforcée par le contournement de la loi par les alcooliers : une récente étude a montré l’inefficacité de la loi Evin pour protéger les mineurs de l’exposition au marketing. L’affichage dans la rue, dans les supermarchés et le marketing online sont ainsi les 3 plus importantes sources d’exposition chez les jeunes.

Ce contexte relativement permissif en matière de marketing alcool et son contournement manifeste a ainsi un impact sur les représentations et les niveaux de consommations du produit chez les jeunes : la recherche a en effet fait le lien entre exposition précoce à la publicité alcool et expérimentation d’autant plus précoce et un usage globalement plus élevé du produit. Cette exposition pourrait également améliorer la perception sociale du produit. L’enquête ARAMIS note ainsi que parmi les adolescents, l’alcool reste encore associé à la fête, le bien-être, l’insouciance, la convivialité et la détente.

L’enquête ESCACAD 2017 a par ailleurs montré que  (parmi les adolescents qui avaient bu au moins  une boisson alcoolisée durant le mois précédent l’enquête) les consommations se font dans 38% des cas dans les bars et les discothèques. Ce contexte de consommation est certes plus faible qu’en 2005 (51%), mais cette baisse paraît toutefois faible au regard de l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs portée il y maintenant 10 ans. Nos observations effectuées dans les bars nous font également penser que l’obligation récente (2016) de demande de la carte d’identité lors d’une vente n’est pas encore respectée.

Comme le précise le dernier plan MILDECA, la faible application de la loi encadrant la vente d’alcool explique la facilité d’accès au produit, notamment pour la bière. C’est dans ce contexte que l’Etat travaille, par l’intermédiaire de ce plan, à faire respecter l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs. Très récemment, la grande distribution s’est engagée auprès de la MILDECA en signant une « charte d’engagement responsable » relative à la vente d’alcool. S’il est noté dans celle-ci un axe de travail porté sur le renforcement de l’interdit protecteur de vente d’alcool aux mineurs, nous notons qu’aucun travail n’est prévu par les distributeurs pour faire baisser le marketing au sein des points de ventes, pourtant première source d’exposition des jeunes.

La charte, aussi récente soit-elle, peut être un moyen d’améliorer l’application de la loi. Il serait néanmoins intéressant que cette observation se réitère régulièrement pour voir une potentielle évolution. L’observation pourrait également porter sur les autres moyens de diffusion du produit (vente dans les bars et à emporter), ainsi que sur les autres règlementations encadrant la vente d’alcool.

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